Du reporting VSME à la conformité CSRD : tout est différent et pourtant rien n’a changé

Publié 18 juil. 2025  | 4 min. de lecture
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« Simplification promise, simplification tenue ! » 

C’est ce qu’a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lors de l’annonce du paquet Omnibus regroupant des propositions pour le reporting ESG  à la fin du mois de février.

Mais pour les entreprises qui commencent seulement à aborder les rapports de durabilité et les normes ESG telles que la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), cela a pu ressembler à tout sauf une simplification.

Certes, les délais ont été repoussés et les seuils des exigences du reporting CSRD ont été relevés, mais pour ceux qui consolident leur reporting ESG, cela a bouleversé la donne. Que faire maintenant ?

 

Tout est différent…

Dans quelle mesure les changements sont-ils vraiment radicaux ? Et se concrétiseront-ils ? Il convient de garder à l'esprit qu'il ne s'agit pour l'instant que de propositions. La Commission a proposé des modifications à la Corporate Sustainability Due Dilligence Directive (CSDDD), à la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)et à la taxonomie verte de l'UE, entre autres politiques. Tous les détails se trouvent dans l'annonce de la Commission, mais les changements qui font les gros titres sont la suppression d'environ 80 % des entreprises du champ d'application de la CSRD (seules les plus grandes restant concernées), et le report de deux ans des exigences de reporting pour celles qui sont déjà dans le champ d'application et qui doivent commencer à rendre des comptes en 2026 et 2027.

Il s’agit d’une réduction radicale du champ d’application de la directive CSRD, ce qui signifie que de nombreuses entreprises qui s’apprêtaient à se mettre en conformité n’auront plus à le faire.

Ou c’est du moins ce que cela signifiera si les propositions sont adoptées dans leur intégralité. Elles devront maintenant être débattues au Parlement européen et au Conseil de l’UE (ce qui pourrait prendre six à neuf mois), avant des négociations entre les trois institutions. Aucun texte final ne devrait voir le jour avant 2026, même s’il est probable que la proposition « stop the clock » (arrêter le chronomètre) visant à reporter le reporting de deux ans prenne de la vitesse et soit finalisée cette année. 

 

…Et pourtant rien n’a changé

Que doivent faire les CFO ? En résumé, tout ce qu’ils avaient prévu de faire de toute façon. Car, même si les propositions sont adoptées dans leur intégralité, cela ne change pas grand chose quant à la nécessité du reporting ESG, puisque, en réalité, la conformité n’a jamais été qu’un moteur secondaire.

Bien sûr, la conformité, avec ses délais et ses pénalités, a certainement ajouté un sentiment d’urgence en faveur de l’investissement dans le reporting ESG, mais elle n’a jamais été la principale source de valeur dans ce domaine. En réalité, ceux qui visaient uniquement une conformité minimale viable pour échapper aux régulateurs auraient risqué de commettre des erreurs coûteuses, notamment en investissant dans une prolifération de solutions ponctuelles non connectées, passant ainsi à côté de la création de valeur. 

 

La véritable valeur du reporting ESG

La véritable raison pour laquelle investir dans le reporting ESG ou le reporting de durabilité est qu’il s’agit (et cela l'a toujours été) d'un exercice extrêmement créateur de valeur s’il est réalisé correctement. Le reporting ESG peut stimuler la création de valeur de plusieurs façons :

1. Attirer les investissements

L’ESG reste un axe central pour les investisseurs, notamment sur les marchés de capital-investissement et de la dette. Les investisseurs mentionnent la demande de leurs commanditaires, l’atténuation des risques à long terme et les résultats concrets d’une augmentation des valorisations de sortie comme raisons de maintenir la performance ESG au centre de leurs préoccupations. Ainsi, un reporting ESG solide peut attirer les investisseurs axés sur la durabilité et ouvrir l’accès à des capitaux généralement réservés aux grandes entreprises.

2. Réduire le coût du capital

En plus d’attirer les investissements, les entreprises ayant des scores ESG élevés tendent à obtenir un coût du capital inférieur à celui de leurs homologues moins performants. D’ailleurs, il a été démontré que la résilience d’une entreprise aux risques liés au développement durable (mesurée par sa notation ESG MSCI) est en corrélation négative avec toutes les mesures examinées du coût du capital. 

Source : MSCI ESG Ratings and Cost of Capital (Notations ESG MSCI et coût du capital)

3. Créer un avantage concurrentiel 

Ce ne sont pas seulement les investisseurs et les prêteurs qui donnent la priorité à la performance ESG, mais aussi les clients, qu’il s’agisse des consommateurs finaux ou des acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

Par exemple, une performance ESG élevée peut aider un produit à mieux se vendre sur le marché. Prenons l’exemple de Patagonia, leader en matière d’ESG, par rapport à son proche concurrent The North Face. Pour leurs vêtements d'extérieur, le premier attire un prix de départ plus élevé, à partir de 69 dollars en 2022, contre 60 dollars pour le second, selon les données de Statista.

En guise d'exemple en B2B, nous pouvons nous pencher sur les conclusions de Deloitte US, selon lesquelles 69 % des entreprises de technologie, de médias et de communication déclarent que leurs clients stipulent souvent ou toujours que la déclaration des émissions de GES est une exigence pour répondre à un appel d’offres.

4. Débloquer le potentiel des talents

Un autre groupe de parties prenantes s’intéresse de plus en plus aux critères ESG : les talents. L’étude Global Workforce ESG Study 2024 de PwC a révélé que, bien que le salaire et les primes soient les principaux moteurs pour les talents, « 38 % des participants accordent la plus grande importance au salaire, mais considèrent la politique ESG comme très importante », et « 19 % des participants accordent à la politique ESG une importance similaire ou supérieure à celle du salaire ».

Par conséquent, atteindre des performances ESG élevées et le démontrer par des rapports clairs peut faire une différence cruciale pour attirer et retenir les meilleurs talents.

5. Favoriser l’optimisation opérationnelle

En accordant une attention particulière aux indicateurs de durabilité et en collectant et en analysant les données pertinentes, les entreprises peuvent optimiser leurs opérations de façon significative. Après tout, par nature, les pratiques commerciales durables s’efforcent d’utiliser les ressources de manière efficace, ce qui a également des répercussions sur la rentabilité. Le géant industriel 3M a créé son programme « Pollution Prevention Pays » (Prévenir la pollution rapporte) en 1975, et estime que, depuis, l’initiative a permis d’éviter plus de 2,1 millions de tonnes de pollution et d’économiser plus de 2 milliards de dollars américains.

 

La valeur des rapports VSME

De nombreuses entreprises, actuellement hors du champ d’application de la CSRD, explorent la norme volontaire de reporting de durabilité pour les PME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for SMEs ou VSME) comme moyen d’obtenir les avantages commerciaux plus larges du reporting ESG. Bien que volontaire, c’est certainement un exercice extrêmement profitable pour débloquer tous les avantages décrits ci-dessus, mais de façon plus légère et pragmatique puisqu’il n’y a pas d’obligation d’audit externe.

Les rapports VSME peuvent également aider les PME à débloquer des financements durables, conformément aux mesures de soutien aux PME de l’UE (SME Relief Package). De plus, comme il s’agit d’un cadre reconnu par l’UE, les entreprises sont parfaitement positionnées lorsqu’elles franchissent le seuil de la conformité CSRD. Tout comme vous ne feriez pas un marathon sans vous être entraîné, le reporting CSRD s’avérera beaucoup plus facile si vous adoptez en amont la norme VSME.


Suivre l’argent, pas la politique

Les pressions réglementaires peuvent s’atténuer, s’intensifier ou changer au gré des caprices des institutions politiques, qui sont elles-mêmes redevables au public et influencées par les médias. Il existe toujours un certain degré de risque politique inhérent à une stratégie guidée uniquement par les vents réglementaires dominants. 

En revanche, l'analyse de rentabilité axée sur la valeur à tirer du reporting ESG peut être moins inconstante. Les investisseurs, les prêteurs, les clients et les talents sont également vulnérables aux influences extérieures, mais (dans le cas des investisseurs et prêteurs intéressés par les critères ESG) l’horizon temporel envisagé est généralement de près de 10 ans.  

Les CFO devraient donc considérer le va-et-vient incertain du paquet Omnibus comme une préoccupation secondaire : en gardant un œil attentif sur les aspects du reporting ESG qui créent de la valeur, ils peuvent mieux servir leurs entreprises à court, moyen et long terme. Et lorsque les régulateurs finiront par se mettre d’accord sur une voie à suivre, ces CFO seront prêts à se conformer rapidement et facilement.

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